C’est fini ! Tous les concurrents en course sont arrivés à Port la Forêt pour ce parcours retour entre Salvador de Bahia et Port la Forêt : 4 120 milles qui n’ont pas été vécus de la même façon par les quinze solitaires qui se sont élancés le 29 novembre à 15h00 (heure française) devant le Yacht Club de Bahia. Du près, du débridé, un peu de portant, un Pot au Noir très différent selon les concurrents, une longue remontée en bordure d’anticyclone dans des alizés puissants, puis une zone de transition qui a laissé passer les leaders et engluer les retardataires. Bref, un course pleine de rebondissements entre les trois premiers (Loïck Peyron, Kito de Pavant, Michel Desjoyeaux) avec des surprises de dernières heures comme l’abordage de Foncia à quarante milles de l’arrivée avec un chalutier, et des avaries plus ou moins importantes sur presque tous les monocoques…
Dernières arrivées serrées
Jusqu’au bout, la transat Ecover-BtoB a été marquée par les rebondissements : quand Mike Golding (Ecover) accumulait les incidents techniques au point de devoir abandonner vers les Canaries, quand Armel Le Cléac’h (Brit Air) démâtait après le Pot au Noir, quand Loïck Peyron (Gitana Eighty) s’envolait dans cette même zone, quand Marc Guillemot (Safran) cassait son axe de vérin hydraulique de quille, quand Jean-Baptiste Dejeanty (Maisonneuve) rompait son étai et que Arnaud Boissière (Akena Vérandas), Derek Hatfield (Spirit of Canada), Yannick Bestaven (Cervin EnR) ou Yann Eliès (Generali) connaissaient des soucis de voiles ou de gréement… L’enseignement de cette course qui avait pour but principal de qualifier les solitaires pour le prochain Vendée Globe, a bien été de valider la fiabilité du bateau et la connivence entre le skipper et sa machine… Et au final, tout le monde constate qu’il y a du travail à faire, et à tous les niveaux ! Car les problèmes des uns concernent les autres et c’est un vaste chantier qui s’ouvre non seulement en terme technique, mais surtout en terme de réflexion : « jusqu’où peut-on aller trop loin pour le prochain tour du monde en solitaire et sans escales ? »
En tous cas, l’Américain Rich Wilson peut être fier de son transat : Great American III coiffe sur le poteau le Canadien Derek Hatfield qui a beaucoup galéré pour finir le parcours dans un golfe de Gascogne plutôt musclé et peu coopératif. Spirit of Canada est donc le douzième et dernier monocoque à franchir la ligne d’arrivée à Port la Forêt ce vendredi après-midi. Quant à Dee Caffari (Aviva), elle a été remorquée dès ce vendredi matin par un bateau espagnol, en route vers La Corogne qu’elle devrait atteindre dans la nuit prochaine.
Arrivées à Port la Forêt :
1-Loïck Peyron (Gitana Eighty) en 14j 09h 13' 25''
2-Kito de Pavant (Groupe Bel) en 14j 12h 22' 49'', à 3 heures 09 minutes 24 secondes du premier
3-Michel Desjoyeaux (Foncia) en 14j 13h 43' 24", à 4 heures 29 minutes et 59 secondes du premier
4-Yann Eliès (Generali) en 14j 19h 22' 02'', à 10 heures 07 minutes 37 secondes du premier
5-Marc Guillemot (Safran) en 15j 08h 25' 44'', à 23 heures 12 minutes 19 secondes du premier
6-Bernard Stamm (Cheminées Poujoulat) en 15j 16h 24'34'', à 1 jour 07 heures 09 minutes 09 secondes du premier
7-Samantha Davies (Roxy) en 17j 17h 38' 46'', à 3 jours 08 heures 25 minutes 21 secondes du premier
8-Yannick Bestaven (Cervin EnR) en 18j 00h 57' 48'', à 3 jours 15 heures 44 minutes 23 secondes du premier
9-Arnaud Boissières (Akena Vérandas) en 19j 00h 57' 26'', à 4 jours 15 heures 44 minutes 01 secondes du premier
10-Jean-Baptiste Dejeanty (Maisonneuve) en 20j 06h 21' 45'', à 5 jours 21 heures 08 minutes 20 secondes du premier
11-Rich Wilson (Great American III) en 21j 23h 22’ 34’’, à 7 jours 14 heures 09 minutes 09 secondes du premier
12-Derek Hatfield (Spirit of Canada) en 22j 02h 20’ 21’’, à 7 jours 17 heures 06 minutes 56 secondes du premier.
Rich Wilson (Great American III)
“ It’s really a big relief to have made it into port! I'm not sure if I enjoyed it! It was very hard. A couple of nights ago we had a lot of wind. The motion was very violent and it was very physical. Not surprising I guess when you head into the Bay of Biscay in December. I’ve learned a lot about the boat certainly. I’ve basically spent the past 3 months sailing on the boat as we started off by delivering the boat across the Atlantic from Massachusetts for the TJV. I’ve done 14,000 miles since October 6th! That’s a lot of sailing and I’m really tired.
The little trio at the back of the fleet really got pounded off Finisterre. As the second low hit it was complete chaos, like bombs going off underneath the boat every 30 secs. These boats have got so much buoyancy that when the waves hit it's the boat that move into you. The edge of the chart table nearly went into my face on numerous occasions. You can really get hurt out there. My legs are the most tired off all as you have to brace yourself in every possible direction the whole time. Inevitably there were high points in all this. The stars, the flying fish, the dolphins in the multiple doldrums we had off the Azores with very clear water and no wind. I called Derek (Hatfield) around the equator as I saw a sail on the horizon and I emailed Dee after she dismasted. I just said to her how much I admire her as she started off behind us (after suffering from furler problems at the start) and then just kept coming back on us. I had some extra diesel and wondered if she might need it but she had everything under control. When somebody dismasts near you, you really start to worry about your own rig. I had shroud issues during the TJV so during this race I stressed about the rig the whole way. In the big storms I remember very vividly sitting there with my hands over my face waiting for my mast to fall. I’m certainly going to work on increasing the comfort onboard as there is simply no place to recover on the boat and after around 58 days on the water that starts to take its toll.
The sail handling and being able to take reefs from the cockpit are really good improvements on the boat and certainly make life a lot easier. It's been a hard slog though and I think those of us that have been out on the water all this time in this race deserve attention too. As Bill Rogers, an infamous marathon runner in the US, said at the end of one particular marathon: "I put 100% into this race for 2 hours 10 minutes, so just think about those who have given 100% for 4, 5 or 6 hours!" The new boats in this fleet are in a class of their own, they're just gone, they just disappear over the horizon. We don't have the sponsors or the shore crews and that's fine but it's a different ball game. I haven't even thought about Christmas because I'm a bit superstitious about that kind of thing when I'm at sea. All I've been able to focus on of late is one single question, not why do these boats fall apart but how do they stay together ? "
Dee Caffari (Aviva)
« J’ai repoussé le moment d’écrire après le désastre vu que j’étais très émotive et que je ne savais pas trop de quoi je souffrais, le choc, la peur, le désarroi, etc… ou probablement tout ça à la fois. La toute première réaction après avoir entendu un deuxième boum après l’atterrissage au sortir de la vague, puis après avoir regardé en l’air et n’avoir plus rien vu était « Waouh, le mât est parti ». Et puis, ensuite, j’ai réalisé, « Oh my God ! Je viens de démâter et je vais devoir gérer ça toute seule. » Peut-être que l’instinct s’est déclenché en même temps que l’adrénaline. La première décision était de savoir dans quel ordre prendre les choses. J’ai aussitôt appelé Andrew Roberts, le directeur du projet pour qu’il puisse déclencher notre plan de crise et organiser des secours pour moi. Je savais qu’avec le nombre de milles qui me séparaient de la terre et l’état de la mer, je n’aurais jamais suffisamment d’essence pour rentrer au moteur. J’ai ensuite trouvé le couteau et la scie avec les lames de secours et ma torche. Je crois que ce qui m’a sauvée, c’est qu’à 6h00 du matin, il faisait encore nuit alors tout ce que je pouvais faire, c’était de travailler méthodiquement d’un bout à l’autre du bateau et me concentrer sur ce que ma lampe torche sur mon front éclairait. Si j’avais été capable de voir les dégâts pour ce qu’ils étaient vraiment, j’aurais été pétrifiée. Déjà, j’avais peur, mais je savais qu’il fallait protéger l’intégrité du bateau pour que je sois en sécurité.
Ca m’a pris moins de deux heures pour nous libérer Aviva et moi des débris, un sacré boulot (c’est moi qui vous le dit), j’étais contente et soulagée mais désormais, j’étais là comme une bouteille à la mer dans ces conditions horribles avec rien d’autre à faire que d’attendre. Ca, ça a été la partie difficile. Aviva était ballotté comme jamais et tout à l’intérieur du bateau était en train de tomber par terre. Sur le pont, tout était balayé par les vagues par-dessus bord. Je suis restée harnachée et me suis juste assise, je commençais à réaliser ce qui venait de se passer et j’étais sous le choc. C’est quand le jour s’est levé que j’ai enfin reçu une bonne nouvelle. Je savais que je ne pouvais pas rester seule pendant la nuit à me faire ballotter. J’avais des petites lumières de navigation d’urgence en place mais je savais que mon image sur un radar serait à peine visible par les bateaux de commerce, le stress serait trop énorme. HMS Northumberland est arrivé à vue à 23h00 TU et m’a envoyé dormir pendant que le Commandant de Bord, Martin Simpson et son navire menaient la garde autour d’Aviva et moi.
Aujourd’hui a été une journée d’attente alors que le remorqueur espagnol faisait route pour venir m’aider. A 15h30 cet après-midi, la frégate m’a fait ses adieux et les gars du remorqueur ont pris la relève. Ils m’ont pris en remorque dans une mer difficile et ont commencé à nous guider vers l’Espagne. C’est très lent mais les conditions vont continuer de s’améliorer au fur et à mesure que le vent va baisser et que l’état de la mer va se calmer. Alors avec un peu de chance, nous pourrons aller plus vite et rejoindre La Corogne où l’équipe du bateau attend et surtout Harry est là-bas pour me serrer dans ses bras car j’en ai bien besoin. En attendant, je continuerai de me battre avec les safrans, parce qu’il y en a un qui est tordu depuis le démâtage, pour qu’Aviva suive le remorqueur sans avoir besoin de barrer tout le temps. »
DBo.